Depuis la précédente réforme du 23 mars 2006, le droit des sûretés n’avait pas connu de profondes modifications. Le régime du cautionnement, entre autres, n’ayant pas été abordé lors de cette réforme alors même qu’il s’agit de la sûreté la plus pratiquée, la loi PACTE du 22 mai 2019 avait autorisé le gouvernement à modifier la législation des sûretés par voie d’ordonnance.
L’ordonnance tant attendue a été publiée le 16 septembre dernier et sera applicable à partir du 1er janvier 2022. Son objectif : simplifier et renforcer le droit des sûretés tout en assurant un équilibre entre les intérêts des créanciers et ceux des débiteurs et garants.
Le cautionnement est particulièrement touché par ce texte. Le régime des sûretés réelles est également modifié, mais dans une moindre mesure.
Note : Les sûretés réelles sont des garanties qui portent sur un bien meuble ou immeuble et qui offrent aux créanciers la possibilité d’obtenir paiement de leur créance sur le produit de la vente du bien en cas de défaillance du débiteur.
Réforme du cautionnement
C’est en premier lieu une réforme légistique qui est apportée au régime du cautionnement. Jusqu’ici, les règles relatives à l’obligation d’information, à la mention manuscrite et à la proportionnalité étaient éparpillées dans le Code monétaire et financier, dans le Code de la consommation ou dans des lois non codifiées. L’ordonnance regroupe ainsi tous ces articles au sein du Code civil pour plus de clarté.
Au-delà de cette modification de forme, le texte apporte un certain nombre d’aménagements au régime même du cautionnement afin de renforcer son efficacité.
Assouplissement des règles relatives à la mention apposée par la caution
La caution n’est plus tenue de reproduire une mention strictement prédéterminée, le texte prévoit qu’il est à présent seulement exigé que la mention désigne avec suffisamment de précision la nature et la portée de l’engagement. Il est à noter qu’en cas de litige, le juge devra apprécier le caractère suffisant de l’engagement.
En outre, l’exigence d’une mention manuscrite disparaît. Seule condition requise désormais : qu’elle soit apposée par la caution. Cette évolution permettra ainsi de conclure des cautionnements par voie électronique.
Exceptions opposables à la caution
Alors que la jurisprudence considérait de manière constante que seules les exceptions inhérentes à la dette pouvaient être opposées par la caution, l’ordonnance pose, dans l’article 2298 du Code civil, le principe selon lequel elle peut désormais opposer toutes les exceptions appartenant au débiteur principal, qu’elles soient personnelles ou inhérentes à la dette.
L’article précise en revanche que les exceptions liées à la défaillance du débiteur sont en principe inopposables par la caution car le but du cautionnement est de couvrir une telle défaillance.
Devoir de mise en garde de la caution
Contrairement au droit actuellement en vigueur, le devoir de mise en garde ne portera plus que sur les capacités financières du débiteur principal. En cas de non-respect de ce devoir, la sanction est modifiée : au lieu de la mise en jeu de la responsabilité du créancier pour obtenir des dommages et intérêts, le débiteur bénéficiera directement de la déchéance du droit du créancier.
Proportionnalité du cautionnement
La sanction, applicable si l’exigence de proportionnalité entre l’engagement de la caution et son patrimoine n’est pas respectée, est assouplie. Jusqu’ici, ce défaut de proportionnalité entraînait la décharge totale de la caution. Cette sanction est remplacée par la réduction du cautionnement à hauteur du montant auquel la caution pouvait s’engager au regard de son patrimoine et de ses revenus.
Information des sous-cautions personnes physiques
L’ordonnance assure l’information de la sous-caution personne physique. Ce type de caution n’était jusqu’ici pas protégé. Le nouvel article 2304 du Code civil indique à ce titre que si la caution de premier rang a elle-même bénéficié de l’information prévue par les articles précédents, elle doit la transmettre à la sous-caution dans le délai d’un mois.
Recours subrogatoire de la caution
Le texte précise que si la caution n’a effectué qu’un paiement partiel, la subrogation ne sera également que partielle.
Extinction du cautionnement
Afin de consacrer légalement la jurisprudence relative à la différence entre l’obligation de couverture et l’obligation de règlement, l’ordonnance crée un nouvel article dans le Code civil (art. 2316) qui précise que si un cautionnement de dettes futures se termine, la caution reste tenue des dettes nées antérieurement, sauf clause contraire.
L’ordonnance précise également qu’en cas de décès de la caution, ses héritiers ne sont tenus que des dettes nées avant le décès (nouvel article 2317 du Code civil).
Enfin, concernant le sort du cautionnement en cas de dissolution entraînant la transmission universelle du patrimoine de la personne morale du créancier, du débiteur principal ou de la caution, l’ordonnance précise que la fusion du débiteur principal entraîne l’extinction de l’obligation de couverture de la caution, sauf à ce qu’elle consente à maintenir son engagement au moment de l’opération. Il en va de même pour la fusion du créancier. Par contre, la fusion de la caution n’a aucune incidence sur le cautionnement.
Réforme des sûretés réelles
Droit du gage
Une nouveauté importante concerne le droit de gage : il pourra porter sur des immeubles par destination.
Le droit de gage de choses fongibles avec dépossession est quant à lui complété par la possibilité d’autoriser le constituant à aliéner les choses gagées, à charge de les remplacer par la même quantité de choses équivalente.
Nantissement de meubles incorporels
Parmi les principales mesures :
- – les nantissements ne confèrent pas en principe de droit de rétention fictif. Cette modification ne remet cependant pas en cause le droit de rétention qui existe en cas de nantissement de compte-titres ;
- – il devient possible de réaliser des nantissements successifs.
Sûretés immobilières
Les privilèges immobiliers spéciaux soumis à publicité foncière (privilège de prêteur de deniers (PPD), privilège de vendeur, privilège de copartageant) sont remplacés par un régime d’hypothèque légale. Cette mesure destinée à unifier et simplifier les différents régimes risque d’induire des difficultés pratiques : le PPD produit ses effets dès la signature de l’acte alors que ceux de l’hypothèque n’ont lieu qu’à partir de la publication de la sûreté. En cas de difficulté au niveau de l’enregistrement qui fait prendre du retard dans la publication, la banque risque de ne pas être protégée pendant ce délai de publication.
Source : Ord. n°2021-1192, 15 sept. 2021, JO 16 sept.
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